Découvrez ci-dessous le deuxième article de notre série dédiée aux Achats de demain. Comment faire face aux crises actuelles et à venir en tant qu’acheteur ? Pour y répondre, nous avons eu le plaisir d’accueillir Agnès, consultante au sein de la société Albert&Co. Après plus de 17 années d’expérience dans les Achats, elle nous livre son retour. Cet article est la retranscription de son interview que vous pouvez également retrouver sur notre chaine de podcasts. Bonne lecture !

Pourquoi parle-t-on de crise dans les Achats ?

Nous parlons de crise dans les Achats à partir du moment où l’on rencontre des situations exceptionnelles par rapport à une activité dite normale pour une entreprise. Lorsqu’on se retrouve confronté à des situations ponctuelles ou durables qui peuvent affecter l’outil de production ou impacter la qualité de services auprès des clients de l’entreprise.

Quelles sont les crises rencontrées par les acheteurs aujourd’hui et quels secteurs sont touchés ?

Pratiquement tous les secteurs sont touchés. Une crise dans les achats peut avoir plusieurs origines telles que des pénuries de matières ou de composants, une hausse de prix considérable ou l’incapacité d’un fournisseur à livrer son client.

Dans l’industrie, les crises rencontrées peuvent être classées selon plusieurs catégories, voici quelques exemples :

  • De nature humaine : une pénurie de main d’œuvre liée par exemple à des démissions successives ou à des compétences que l’on peut avoir du mal à trouver ;
  • Des difficultés financières rencontrées par un fournisseur comme une problématique d’argent qui altère sa supply chain ou son incapacité à acheter de la matière première ;
  • Une pénurie de composants ou de matières premières ;  
  • La crise de l’énergie qui impacte tous les secteurs ;
  • Une crise géopolitique et toutes les incertitudes liées.

Comment faire face à une crise ? Quelles sont les étapes de résolution ?

Les conditions de réussite pour gérer une crise, c’est tout d’abord de garder son calme, de faire preuve de structure et d’organisation. C’est de bien communiquer en interne et en externe vis-à-vis du fournisseur à l’origine de la crise. Prenons par exemple un composant électronique qu’un fournisseur de rang 1 ne peut pas se procurer, avec le risque de ne pas livrer les produits finis qu’on lui achète. Dans ce cas de figure, j’utilise la méthode suivante :

  1. D’abord j’analyse la situation, j’essaie de bien comprendre la problématique. Pour cela, je vais mesurer les impacts (combien de produits finis sont impactés, à partir de quel moment les clients, eux, seront impactés. Quelle est la fonction de ce composant électronique dans le produit fini ? etc…).
  2. Sur la base de ces premières informations, je donne l’alerte au Management.
  3. Ensuite, je demande l’activation d’une cellule de crise, avec des membres permanents et aussi des membres mobilisables selon les sujets. La cellule de crise peut être pilotée par un responsable de l’entreprise, un Directeur Général par exemple. Mais nous, en tant qu’acheteurs, outre le fait d’avoir donné l’alerte, nous devons être en mesure de rester dans la cellule pour communiquer, préconiser un plan d’actions et participer aux prises de décisions.
  4. Je continue de poursuivre l’étude d’impact de la crise en restant factuel. Je regarde par exemple s’il y a une possibilité de trouver une solution à court terme en sollicitant d’autres fournisseurs de notre panel qui utiliseraient ce même composant électronique, en regardant sur le marché des brokers, etc…
    Je définis ensuite un plan d’actions. Le but est de faciliter la prise de décision pour le management afin sortir le plus efficacement possible de la crise. Ce qu’il faut retenir c’est que plus on est cohérent et exhaustif dans l’information qu’on apporte, plus on facilite la prise de décision.
  5. Une fois la solution retenue, je pilote une équipe projet pour sa mise en place.
  6. Après avoir réalisé toutes ces actions, il est important de faire un bilan d’après crise. En effet, il est toujours intéressant de capitaliser sur ce que l’on a appris pour gagner encore plus en efficacité et être encore mieux préparé pour une éventuelle prochaine crise.

Comment évaluer les opportunités pour diversifier les sources d’approvisionnement en temps de crise ?

Il est important en amont d’une crise, de bâtir une cartographie des risques et bâtir un plan pour lever ces risques. En temps de crise, il est vrai que le service Achats est très sollicité pour fournir des solutions alternatives en vue de maintenir ou reprendre un flux d’approvisionnement. Plusieurs leviers s’offrent à nous :

  • Tout d’abord, nous pouvons nous appuyer sur le contrat signé avec nos fournisseurs, et leur rappeler les engagements qui y sont pris. Si cela ne résout pas le problème, cela a au moins l’avantage de s’assurer que nos besoins sont bien pris en compte.
  • Il est primordial de garder de bons contacts avec d’autres fournisseurs du panel de l’entreprise, même sans commandes récentes, car ils peuvent constituer une source de diversification.
  • Il faut accentuer la prospection pour identifier différents fournisseurs possibles. Toutes les pistes doivent être étudiées, y compris celles qui jusqu’alors n’étaient pas économiquement viables.
  • Enfin, la qualification structurée des fournisseurs est essentielle à tout moment pour assurer la continuité, la qualité, la sécurité et la durabilité des activités de l’entreprise.

Comment travaillez vous avec les fournisseurs pour garantir la stabilité de la chaîne d’approvisionnement pendant une crise ?

Je mets en place une routine d’échanges avec le fournisseur. Il est important de développer une proximité avec ce dernier. Non seulement le fournisseur doit bien comprendre les risques pour nous mais c’est aussi une opportunité pour réfléchir ensemble à des solutions possibles. Pour avoir vécu plusieurs crises successives, je suis convaincue qu’il est essentiel de travailler en mode collaboratif avec ses fournisseurs et dans un climat bienveillant.

On sent que la communication est primordiale dans une gestion de crise. Nous avons parlé de la relation avec leurs fournisseurs, mais en interne aussi il faut savoir s’entourer… Quelles sont les qualités clés ?

Effectivement, seul on ne peut pas tout faire ! En tant qu’acheteur, il faut être capable de piloter une équipe projet qui permette de mesurer la crise avec ses impacts, ses solutions possibles et leur mise en place. Chacun a son rôle à jouer !

Je dirais enfin qu’il faut être capable de faire preuve d’esprit de synthèse : présenter de manière précise et efficace la situation, les enjeux et ses préconisations auprès du management.

Merci Agnès pour ce retour d’expérience.